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Biographie de Jean Delpech (1916-1988)

Jean Delpech commence sa formation à Hanoï où il est né et passe les dix-neuf premières années de sa vie, avant de recevoir une formation plus classique à l’École des beaux-arts de Paris. Dessinateur, graveur mais aussi sculpteur, il se fait également connaître dans le monde de la philatélie en créant plusieurs timbres. Artiste singulier, il se sent lui-même proche du courant de « l’art brut autodidacte ». Son regard allie observation et imaginaire dans des œuvres d’une très grande richesse.

Formation et jeunesse

Une enfance asiatique

Jean Delpech est né le 1er mai 1916 à Hanoï, alors capitale de l’Indochine française. Il est le deuxième enfant de Charles Delpech et de Noémie de Boisseuil. Charles est dessinateur de bâtiment à Hué, en Indochine. Il gravit les échelons jusqu’à devenir architecte des Travaux Publics de l’Indochine. Noémie a étudié le dessin et l’aquarelle. Jean se met à dessiner dès son plus jeune âge en recopiant des images vues dans des magazines. « Depuis mon enfance, je dessine comme je respire », dit-il. Dans ses dessins de jeunesse, il s’intéresse beaucoup à la vie quotidienne locale à Hanoï et montre sa curiosité, ses dons d’observation et son talent précoce.

Sampans à Hanoï

Sampans à Hanoï, 1934
Coll. famille Delpech. Photo © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Rachel Prat © ADAGP, Paris

« La qualité esthétique, cela ne peut être défini. C’est du sentiment, mais en même temps, c’est aussi simple qu’une formule mathématique. […] Et de toute façon, l’art est partout. » 

Jean Delpech cité dans Xavier Mervel, « Les fantasmagories de Jean Delpech », Chasse-Marée, n° 154, 2002

Après des études au Lycée Albert Sarraut où il côtoie Võ Nguyên Giáp, Jean intègre l’école des Arts Appliqués de Hanoï, s’ouvrant à une grande diversité de pratiques artistiques. En 1935, à l’âge de 19 ans, Jean et sa famille rentrent en France.

Les premières années à Paris et le choc de la guerre

« Je sors de la moyenne : « artiste », observateur, me voici promu au peloton des élèves caporaux. Suivront des corvées interminables : appels par chambrées de 30, visite médicale, distribution des tenues, paquetages, accessoires insolites, armements individuels et collectifs. Nous nous harnachons en militaires et portons nos effets civils dans le magasin ad hoc où ils attendront deux ans notre libération. » 

Jean Delpech, Journal de guerre

Anonyme, Jean Delpech en uniforme au 15e bataillon de chasseurs alpins

Anonyme, Jean Delpech en uniforme au 15e bataillon de chasseurs alpins, 1938-1939.
Coll. famille Delpech. Photo © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Rachel Prat © ADAGP, Paris

En 1938, il fait son service militaire au 15e bataillon de chasseurs alpins (BCA), cantonné à Barcelonnette. 

Quand la guerre éclate, il est mobilisé, toujours au 15e BCA, et envoyé sur le front. Il retranscrit cette période noire dans une série de dessins et de gravures dont témoigne la collection du musée de l’Armée. Pendant l’Occupation, il est professeur de dessin industriel au collège technique de Saint-Ouen et il exerce son habileté à fabriquer de faux papiers. C’est au sortir de la guerre qu’il expose pour la première fois à Paris, à la galerie Christofle, un ensemble de monotypes exécutés au moment de la Libération de Paris. Il demande ensuite à suivre la 1re armée du général de Lattre de Tassigny comme correspondant de guerre pour le journal L’Armée française au combat et se rend en Alsace puis en Allemagne. Après l’Armistice, il consacre un reportage aux ports bombardés : Nantes, Saint-Nazaire, Lorient, Brest, puis Toulon. 

Un artiste inclassable

Au sortir de la guerre, en 1946, il épouse Micheline, fille de Robert Alphonse Collard, dit Lortac (1884-1973), un pionnier du dessin animé, inscrite comme lui dans l’atelier de Louis Roger à l’École des beaux-arts de Paris.

Un artiste multiple

L’artiste multiplie les expériences artistiques dès la fin de la guerre. Il crée les décors et costumes de la pièce Le Roi Lear, jouée par Charles Dullin en 1945, et se tourne vers l’illustration : Les Conquérants de Malraux (1947), Le Dragon blessé de Francis de Croisset (1947). La même année il reçoit le Prix Blumenthal pour la gravure. 
En 1948, il remporte le premier prix de Rome de gravure en taille douce et séjourne trois années à Rome, au cours desquelles il documente la vie populaire de l’Italie dans de grandes compositions très fouillées.
Il réalise également des illustrations dans les années 1950 pour Les Cinq nouvelles : Tamango ; Federigo de Prosper Mérimée (1952) et les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence de Montesquieu (1957) et donne plusieurs couvertures à la collection de romans de science-fiction « Le Rayon fantastique » de Gallimard. 
En 1956, il est nommé peintre de la Marine et collabore régulièrement à la revue Cols bleus. Il fait plusieurs séjours à bord de bâtiments de la Marine française, lui permettant d’allier sa passion pour les bateaux et la mer à son art. Son sens du détail et de la miniaturisation s’épanouit également dans ses créations philatéliques. Graveur de timbre, l’artiste fourni plusieurs maquettes, notamment dans les années 1980, pour des timbres émis par La Poste. Créateur fécond, il explore d’autres formes artistiques comme la dinanderie, la sculpture, les décors avec le dessin Le Cerf blanc (1955), qui sert de modèle à la mosaïque de l’église de Tréhorenteuc. Le prix Jean Chièze en 1979 récompense Les Beaux jours, un bois gravé.
 

« J’éprouve un étonnement incessant devant la variété et la beauté du monde où le hasard m’a plongé. Ce kaléidoscope sans cesse renouvelé m’enchante toujours. Mon but est de laisser un témoignage sur notre temps. » 

Jean Delpech

Le rôle de l’enseignement 

Jean Delpech a commencé à enseigner pendant les années de guerre. Cette activité d’enseignement reste fondamentale pendant toute sa carrière, à l’école des beaux-arts de Rennes, ou encore au cours du soir de gravure de la Ville de Paris, situé boulevard du Montparnasse, dans les années 1970. Il y forme toute une génération de graveurs : Érik Desmazières, Yves Doaré, François Houtin, Étienne Lodého, Noël Marsault, Jean-Michel Mathieux-Marie, Philippe Mohlitz, Georges Rubel, Bertrand Seguy... Il finit sa carrière de professeur à l’École polytechnique où, de 1974 à 1981, « il s’ingéniait à transmettre un savoir et peut-être encore plus un goût, une curiosité jamais satisfaite pour un savoir protéiforme, par des techniques d’expression sans cesse renouvelées. » (Claude Gondard, « XXe siècle », Bulletin de la SABIX, n° 47, 2010).

En 1983, il quitte Montrouge pour s’installer à Sens, où il décède en 1988.  
 

Fievet, Jean Delpech dans son atelier

Fievet, Jean Delpech dans son atelier, 1970, archives du musée de l’Armée.  
Photo © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Rachel Prat (C) Fievet/ECPA/ECPAD/Défense/F 70-135.

https://collectionjeandelpech.musee-armee.fr/biographie-jean-delpech-1916-1988