Jean Delpech n’est pas présent en URSS en 1944, mais il réalise une série de dessins et de gravures sur le thème du front russe à la manière d’un reportage imaginé. Il représente ici un char T-34 soviétique retourné par une explosion. Le conducteur du blindé, reconnaissable à son casque, gît, inanimé, aux pieds d’un groupe de soldats allemands. À ses côtés se trouve un mort allongé nu dans la neige, qui témoigne du fait que les combattants dépouillaient les cadavres de leurs adversaires pour utiliser leurs équipements. En effet, les soldats allemands surpris par le froid russe ne bénéficient pas de vêtements de protection adéquats. Au centre de la scène, un transporteur de troupe allemand semi-chenillé (sdKfz 251) s’éloigne de la carcasse du char russe. La partie supérieure de l’oeuvre représente une bataille aérienne. Un appareil allemand poursuit un engin russe, tandis qu’un avion sturmovik soviétique est au sol. Jean Delpech esquisse de façon sommaire les engins en action alors qu’il est la plupart du temps extrêmement précis dans sa façon de représenter les équipements militaires. Contrairement à la campagne de France où il a pu observer sur le vif les bombardements aériens, il travaille ici uniquement à partir d’articles de presse et de reportages radiophoniques. Il représente néanmoins la scène avec beaucoup de détails comme, par exemple, l’appareil de détection acoustique utilisé pour la défense antiaérienne. La bataille représentée n’est pas clairement identifiée, mais les dômes bulbeux en arrière-plan évoquent le Kremlin, indiquant qu’il pourrait s’agir de la bataille de Moscou. Cette dernière, qui s’est soldée par une victoire allemande, est considérée comme un des affrontements stratégiques du front de l’Est.

Boudou-Reuzé Hélène, Desserrières Laëtitia, Jean Delpech, l’œuvre de guerre. Dessins et gravures du musée de l’Armée, Paris, musée de l’Armée / In Fine, 2022