Emplacement : b g
Description : Peinture rouge
Transcription : J. DELPECH 1944

Ce dessin est à mettre en étroite relation avec la gravure intitulée La Ville bombardée et datée de 1944 (inv. 2019.58.94). Nous retrouvons la même composition et certains éléments comme les chars, au premier plan, le canal avec des péniches (à droite), l’immeuble éventré sur la gauche. Cependant, la gravure montre une composition bipartite beaucoup plus marquée que le dessin, avec la cheminée d’usine verticale placée au centre, marquant une nette séparation, et un ensemble d’usines que nous ne retrouvons pas dans le dessin. Les éléments architecturaux laissent supposer que Jean Delpech donne ici une représentation de la banlieue nord parisienne, Saint-Ouen et Saint-Denis : le gazomètre de la plaine Saint-Denis est bien repérable avec sa structure métallique circulaire, la basilique de Saint-Denis est également représentée au loin. Ces éléments peuvent être rapprochés d’un dessin représentant Saint-Ouen en 1943 et conservé aux archives municipales de la ville (JD028), mais offrant un autre point de vue avec la basilique Saint-Denis, dessinée de la même manière ; y figurent également le gazomètre, la gare et la Seine sur laquelle naviguent des péniches. Quelques semaines avant le débarquement des troupes alliées en Normandie, celles-ci ont bombardé des points stratégiques, comme les nœuds ferroviaires, afin de limiter les déplacements des troupes allemandes. Le noeud de la plaine Saint-Denis fut ainsi bombardé le 21 avril 1944. Environ 2 000 bombes ont été larguées pendant deux heures, touchant Montmartre, Saint-Denis et Saint-Ouen. Les actualités ont relaté cet épisode de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement la destruction de la maison des Petites Sœurs des Pauvres, ainsi que l’aide apportée par les religieuses qui participent à l’évacuation des décombres, que Jean Delpech semble avoir représentée au premier plan de son dessin. Le pont, sur lequel circulent voitures et camions dans la partie droite, au-dessus de la rivière, se retrouve dans la composition gravée mais totalement détruit, comme si Jean Delpech avait montré les différentes phases du bombardement. L’artiste livre ici une oeuvre forte, aux accents dramatiques renforcés par l’usage de couleurs violentes, notamment des rouges. Le recours à des cernes noirs très marqués délimite nettement les différents espaces et permet à l’artiste de jouer sur des perspectives brisées.

Boudou-Reuzé Hélène, Desserrières Laëtitia, Jean Delpech, l’œuvre de guerre. Dessins et gravures du musée de l’Armée, Paris, musée de l’Armée / In Fine, 2022

2023, Salon du dessin, Palais Brongniart, 22-27 mars